Claire Decet / Été Austral Hiver Boréal, Été Boréal Hiver Austral
Été Austral Hiver Boréal, Été Boréal Hiver Austral
Une exposition de Claire Decet à la galerie Octave Cowbell
Pour comprendre toute la subtilité de l’œuvre de Claire Decet, c’est par sa constance qu’il faut l’aborder. Depuis plusieurs années, sa production se nourrie inlassablement du même thème : la nature. En questionnant la place qu’elle occupe dans nos sociétés, l’artiste la révèle sauvage ou domestiquée, décorative ou minimale, à la fois sculpture organique admirable et palette chromatique inouïe. De ses pérégrinations, l'artiste a développé une sensibilité à un nouveau type de paysage où la luxuriance laisse place à l'aridité, le plein au vide et la frénésie à la mélancolie. Cet appauvrissement des effets et des moyens mis en oeuvre se traduit dans sa pratique: minimale mais puissamment narrative.Depuis sa résidence à Berlin en 2009 et 2010, Claire Decet accumule soigneusement des bouquets de fleurs et plantes sauvages séchées. Cette pièce Collection compose une sorte d'herbier mis en scène à l'aide de vases de fortunes. Une végétation à l'aban- don, une nature inerte, qui semble recréer un paysage à échelle réduite. Elle entame également lors de cette résidence berlinoise, une série de peintures, ses « vitrines », Vitrine au dragonnier et Vitrine au Rosier, petites mises en scène intérieures des fenê-tres des rez-de-chaussée des maisons, très présentes dans la ville, mélangeant bibelots en tout genre et plantes vivaces ou fleurs desséchées. Au-delà de la technique exemplaire de sa peinture à l’huile, pétrie de minutie et de rigueur, on lit clairement dans ces nouveaux ensembles comme la série des Misères - ces « multiples singuliers » comme elle les appelle - l’état de permanence de la nature face aux cycles changeants des effets de décoration. L’un reste impassible et intemporel, sans effet de séduction, lorsque l’autre s’évertue de garder l’attention en se renouvelant constamment. Dans cette course à l’excitation, Claire Decet a fait son choix.Pour autant, on notera une réelle évolution dans le travail de l’artiste. Face à l’immensité du sujet qu’elle explore, elle se permet dorénavant d’expérimenter des techniques nouvelles. Avec Herbier, collection d’empreintes de fleurs placées sous une presse ma- nuelle, ces impressions naturelles s’apparentent à des aquarelles, toutes révélées par le jus des végétaux; Ou bien même Palette, ces huiles sur bois, propre palettes de l'artiste. Plus floues, ces images illustrent une tendance à l’abstraction assez nouvelle dans sa production. La série Clouds, sérigraphie en quadrichromie, reprend le motif impalpable de nuages formés un soir d’été, juste avant un orage. Tiré de la vidéo du même nom, on y voit un amas moutonneux se former et évoluer autour de la Centrale de Cattenom. Originaire de Lorraine, basée à Hettange-Grande, Claire Decet a fait de cette centrale un motif récurrent de sa production. De jour ou de nuit, en plan serré ou plus large, elle se dessine dans des ambiances chromatiques changeantes, visions romancées, presque cinématographiques de ce décor atypique. Le volume n’est pas en reste, réalisée lors d’une résidence dans le village de Vatan - dont l’adage est « Vatan, tu reviendras » - une série de céramiques titrée Vatan, je reviendrai se compose d’une vingtaine de mains, toutes stylisées. Autoportrait indirect, il est cet outil qui permet à l’artiste de concrétiser ses visions. Changeantes, techniques et sensibles, ses mains forment un paysage détonnant et propose un regard démiurgique sur la figure de l’artiste.
Justin Morin
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